La beuverie sans fin, ni soif

La beuverie sans fin, ni soif

En écriture par Maracanar Folagog’O

Il ne m’était pas deux raisons de boire, et encore moins de me saouler avant cette journée là. Pourtant ce repas d’anniversaire fût beaucoup plus éméché que d’habitude, à la grande désolation de ma femme et de mon fils. D’ordinaire, à l’année passée, je ne buvais rien, ou presque rien: un bon demi-verre de Lambrusco, de Monbazillac ou de Gewurztraminer vendanges tardives, un verre de schnaps et puis stop. Et, oh non jamais, trois verres à la suite. Le goût dans la bouche, mais ma raison ne devait pas fondre sous les degrés de l’alcool. D’ailleurs se trouve encore aujourd’hui dans ma cave 999 des 1000 bouteilles de vins, liqueurs et alcools de la Coopérative des Vignerons de France, gagnées lors d’une chasse au trésor 3 ans auparavant: manque la bouteille de liqueur de mirabelles.

Seulement l’avant-veille de mes 60 ans surgit de nulle part une impression de Déjà-Vécu, dont quelques mots-clés: virus, mirabelles, satellite et cette sensation d’attentats et de morts imminentes. Pour avoir connu cette sensation maintes fois, dont la dernière 24 heures avant l’attentat du Bataclan, je savais que rien de bon ne s’annonçait. Je compris le sens de mes mots-clés le lendemain quand, me donnant raison à 9 heures du matin, une explosion détruisit le labo P4 de Lyon. Le personnel et la plupart des virus moururent à l’instant sous la langue de feu, mais un mimivirus s’échappa, invisible et méchamment dangereux pour l’homme, le moustique, la tique et la sangsue, accessoirement les vampires: bref tout ce qui se nourrit du sang de l’homme. Ce virus pris plusieurs noms: Spoutnik MI-3 ou MIMIvirus-MIrabelle car il ralenti sa multiplication (ou sa division, c’est comme tu veux: merci les maths contradictoires ) sous l’effet de l’alcool et ne devient inoffensif qu’à fort alcool de mirabelle dans le sang. Je préfère l’appeler Depardieu en hommage à mon idole de toujours et à ses valseuses. Sans alcool, le mimivirus nous explose les testicules ou les ovaires, nous acidifie l’estomac au point de vomir nos tripes et peut attaquer notre cerveau, libérant et mettant en scène toutes nos peurs. Je m’en souviens, car j’avais lu un article du The Lancet sur la dangerosité de certains virus aux symptômes et aux traitements originaux, le Depardieu du P4 lyonnais étant celui qui était le plus effroyablement mortel. Normal, quand t’as pas de couilles et que t’es face à tes pires peurs, ton cœur s’emballe, tu déballes tes tripes par le gosier et ensuite c’est toi qu’on emballe pour une poignée de balles et pour quelques balles de plus, tu as droit à deux coques d’amendes amères glissées dans ton scrotum recousu.

Alors voilà…voilà…voilà.

L’horrorvision à débuté un matin d’Octobre et n’a plus quitté les médias depuis ce jour. Peu de temps après l’explosion, le premier sauveteur ne pu sauver ses couilles, sa nouille et sa bouille. Les autres ne tardèrent pas, sauf un, le vieux de la vieille qui carburait à l’amer. Quand il retrouva totalement ses esprits, il perdit lui aussi son scrotum et paradoxalement son esprit.

Le surlendemain, alors que la moitié de la population de Lyon fut morte, que des corps pavaient les rues et que seuls des mendiants ivres-morts vivaient encore, les poches pleines de liquidités des bourses des corps pillés, les chercheurs mirent enfin un nom sur mon Depardieu, et avec la même perspicacité sur mon remède: l’eau-de-vie de mirabelles, élue depuis meilleur alcool au monde pour la santé. Quand aux scientifiques de la Police, ils mirent un nom sur les salopards à l’origine de l’attentat: les Cathostrophes , un groupe catholique venant de l’Extrême-Droite dirigé par un gourou conspirationniste.

Donc voilà, ne t’étonnes pas si aujourd’hui mes phrases sont complexes comme un dictionnaire inversé ou simplettes comme la vie sexuelle des bonobos, et mes mots irréfléchis et vulgaires comme ta face devant un miroir sale. Mon Verbe, ma grammaire de primaire et ma conjugaison maison sont ceux d’un alcoolique sous l’emprise de sa moitié. Je refuse obstinément le correcteur d’Open Office Writer par souci de vérité. J’écris sans censure, comme je le veux, comme je le peux, ce que je veux et, sous la menace d’une cirrhose du foie ou d’un cancer de l’œsophage, ma saoulerie sans fin ni soif. Je sais, l’accroche est nulle, mais va trouver un bon titre quand t’es imbibé de l’alcool de mirabelles depuis des mois. De mon alcool, de mes mirabelles, de mon verger, sortant de ma distillerie, et permettant à ma famille de mener une double vie arrosée, je dirais même noyée à l’eau-de-vie.

Je tiens à laisser mon empreinte à ce grand méchant souk pandémique dans lequel nous vivons des années plus tard, entre des fonctionnaires du commissariat qui vomissent sur ma paperasse, des gosses prépubères à qui les parents versent à chaque collation deux doigts d’alcool, des chirurgiens opérants sous quadruples verres et le curé qui a ses raisons de boire deux calices de liqueur par messe, à messes rapprochées. Un bordel que Dieu le Père, lui-même, n’aurait pas imaginé. Amen.

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